Dans le cadre d’un reportage en 4 épisodes, Victor de Rap d’Ailleurs nous emmène au cœur de la culture hip-hop égyptienne. Entre orient et occident, trap et musiques traditionnelles, nous découvrons les rappeurs et acteurs de l’industrie égyptienne et les nouveaux visages de la scène du Caire.
Rap d’Ailleurs est un média voué à faire découvrir la musique et les cultures d’ailleurs au public français. Victor choisit l’immersion totale pour retranscrire au mieux l’ambiance et les enjeux présents dans chaque pays, et part à la rencontre des acteurs locaux. Plus tôt cette année, Rap D’Ailleurs a posé son sac en Hongrie, et nous gratifie de deux épisodes de 13 minutes qui lèvent le voile sur une scène totalement inconnue de la francophonie.
En direct du Caire
Aujourd’hui, c’est au Caire que le média va passer 8 jours, au sein d’une des scènes hip-hop les plus prolifiques d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. On s’étonne alors que celle-ci manque autant de médiatisation en France, alors que de nombreux artistes d’Afrique du Nord tels que El Grande Toto ou TIF ont enflammé le public français et que les collaborations outre Méditerranée se multiplient. C’est pourtant d’Alexandrie que provient le rappeur le plus streamé d’Egypte et du Monde Arabe : Wegz, propose textes touchants, mélodies et trap efficaces. Son titre El Bakht cumule d’ailleurs 270 millions de vues sur YouTube, et lui a permit d’exporter sa musique à travers tout le pays.
Le reportage nous plonge rapidement et de manière immersive dans l’univers du rappeur Abyusif et de son manager, aujourd’hui figure majeure du rap égyptien. Nous avons la chance de pouvoir observer au plus près l’histoire et les acteurs de ce mouvement. Pionnier de la trap locale, Abyusif présente la transition parfaite entre les artistes initiateurs du rap égyptien et la nouvelle génération. Avant lui, le groupe Arabian Knightz se formait en 2005 et publiait le titre Rebel en 2011 après la censure du printemps arabe. Des messages toujours forts et importants, encore exploités et popularisés aujourd’hui par des rappeurs comme Marwan Pablo, lui aussi pilier de la culture locale, qui propose des productions plus expérimentales autour de sujets tels que l’alcool ou la drogue (très controversés dans le pays) et qui touche particulièrement la jeune génération.
Nous assistons avec le Rap d’Ailleurs à la release party privée d’Abyusif dans le cadre de la sortie de son 12e album « Nemshy Men Hena » aux influences marquées par le rap et le métal (premières influences du rappeur). On conseille d’ailleurs les titres « Mafish E7sas » ou « 3ayzak Bas Mategganensh » représentatifs de cette direction.
Quelle Industrie pour le rap en Egypte ?
Grâce à la contribution d’Abyusif au reportage, on comprend que l’industrie du rap égyptien s’est développée différemment qu’ailleurs et s’est notamment construite autour d’artistes caméléons comme Ahmed Mekky, acteur, rappeur et star locale ayant permis la médiatisation du rap.
La manière de consommer la musique et de la promouvoir s’oppose aux standards occidentaux. En effet, d’après Omar, le manager d’Abyusif et de 4 autres des plus grands rappeurs égyptiens, 60% des streams proviennent de Anghami : la plateforme de streaming la plus populaire du Moyen-Orient. Spotify (30%) et Apple Music (10%) se partagent le reste.
Aussi, pour qu’un artiste puisse avoir du succès en Egypte, il semble devoir être obligé de passer par la case « télé ». Cependant, loin des interventions légendaires de nos rappeurs français sur les plateaux télé des années 2000 et 2010, la participation à un jingle publicitaire fait office de consécration pour les rappeurs égyptiens ! Les marques commencent à s’intéresser aux rappeurs en 2019.
Interviewé par Rap d’Ailleurs, Ismail Nosrat, grand beatmaker et compositeur de musiques de pub en Egypte explique :
« Ici, pour la publicité et pour les jingles de pubs, on compose de vraies musiques […] L’idée c’est d’avoir un artiste connu pour chanter le jingle. Cela marche très bien en Egypte ! Parfois ces jingles font autant d’écoutes que les musiques des artistes. »
C’est donc tout un mouvement qui est popularisé lorsque ces pubs passent sur les chaînes nationales.
Des musiques traditionnelles jusqu’à la trap d’Alexandrie
Pour ce deuxième épisode, on part à la rencontre de rappeurs de la nouvelle génération vivant au cœur de la frénésie cairote. La musique égyptienne semble avoir beaucoup évolué : cherchant d’abord ses inspirations en Amérique, puis plus récemment en Europe notamment avec des scènes drill anglaise et française au fort impact.
Le Rap d’Ailleurs nous présente l’artiste Ziad ZAZA, connaisseur de la scène marocaine et de Laylow, présent avec d’autres rappeurs français sur l’album collaboratif et international « Safar » proposé par Naar. Le rappeur expose ses inspirations : Rap, avec MC Amin (Arab League) mais aussi issus d’autres mouvements comme Sadat et Fifty, piliers du Mahraganat ! Le Mahraganat, plus connu en occident comme « Electro Shaabi » est un genre égyptien né en 2008 mélangeant Rap, Electro et Musique Traditionnelle. Mélanger le Mahraganat aux sonorités actuelles n’a rien d’anodin pour la nouvelle génération.
En fait, en plus de pouvoir toucher un très large public, les rappeurs égyptiens s’approprient l’essence de cette musique (textes libérateurs, rythmiques très dansantes) pour en faire un nouveau style à la mode et porteur de valeurs. D’après Ismail Nosrat, ce mouvement a perdu de sa superbe depuis quelques années, mais reste un incontournable pour le public et une opportunité pour les artistes underground égyptiens.
L’épisode 2 s’achève avec la revue d’un artiste incarnant à lui-même l’hybridation entre tradition et modernité. Xander Ghost a quitté l’Egypte à l’âge de 15 ans pour poser ses valises à Londres. Il affirme lui-même mélanger la musique éléctronique à laquelle il était sensible en tant qu’ado à Londres, et les musiques arabes qu’il consommait dans son pays d’origine. Il veut toucher tous les auditeurs, même ceux qui ne comprennent pas sa langue. Ce mix de cultures ne se ressent d’ailleurs pas qu’à travers ses titres, mais aussi grâce à toute la structure de sa direction artistique. Le rappeur, réalisateur et DA propose des clips travaillés, marqués par une sobriété et un minimalisme dénotant parfois avec l’atmosphère bourdonnante de la capitale égyptienne, d’où il puise son inspiration.
A quoi s’attendre pour la suite ?
Le Rap d’Ailleurs n’a pas finit de nous faire découvrir la scène égyptienne. Comme il le dit à la fin de l’épisode, le but de ce reportage est de proposer une vue d’ensemble de la culture locale, mais surtout de nous pousser à approfondir nos recherches et dénicher des pépites inconnues en France !
Deux épisodes sont encore à venir. On a hâte de découvrir un peu plus la diversité culturelle égyptienne, influencée par la multitude de classes et de cultures présente dans le pays, comme expliqué à la fin de l’épisode.