« Les oiseaux de malheur » L’amour à l’épreuve du vide et de l’illusion
Une plume acérée trempée dans le vinaigre et un univers où les étoiles filantes
se crashent plus qu’elles ne brillent : voilà ce quoffre « Les oiseaux de
malheur », le dernier projet de Zeuta. Un EP de quatre titres seulement, mais qui
frappe comme un pavé balancé dans une mare deau croupie. Sous ses airs
désabusés, l’artiste nous tend un miroir brisé, reflétant différentes ambiances,
tour à tour satiriques, mélancoliques et d’une ironie mordante.
Le morceau « Trapromance » semble aborder une réflexion profonde sur la
recherche de l’amour et de la connexion dans un monde où tout est
consommable et éphémère. Trapromance est à la fois un clin dœil à la quête
du bonheur, mais aussi un commentaire sur la manière dont cette quête est
souvent dénaturée, coincée entre les attentes sociales et la réalité dune
existence marquée par linstantanéité et le superficiel. La recherche du sens ici
est aussi une recherche dauthenticité, mais dans un cadre où les illusions et
les faux-semblants sont omniprésents.
Un titre qui intrigue : pourquoi « Les oiseaux de malheur » ?
Le titre fait mouche, à mi-chemin entre une poésie sinistre et un clin dœil à ces
cassandres modernes qui annoncent la fin du monde. « Les Oiseaux de
Malheur », ce sont ces figures omniprésentes qui prédisent le pire, souvent avec
une pointe de satisfaction malveillante. Mais ici, Zeuta semble en faire une
métaphore de lui-même : un artiste qui traverse les tempêtes, toujours perché,
mais jamais vraiment envolé.
Le titre évoque aussi notamment des références artistiques et
cinématographiques. On pense en premier lieu au film « Les Oiseaux » d’Alfred
Hitchcock. Ce film de 1963, basé sur la nouvelle de Daphne du Maurier, fait des
oiseaux un instrument de terreur. L’attaque soudaine et inexpliquée de ces
volatiles s’inscrit dans une métaphore de la violence aléatoire et incontrôlable
qui survient sans avertissement, symbolisant les peurs humaines face à
l’inconnu.
Nous pouvons également relever la série de gravure de Goya intitulé Les
Caprices et réalisées à partir de 1799. Dans ce cadre, les hiboux et corbeaux,
symbolisent la décadence et le malheur, avec le hibou, normalement associé à
la sagesse, devenu un présage inquiétant. À travers ces œuvres, Goya critique
la violence, lignorance et la corruption de son époque, créant une atmosphère
sombre où limaginaire et la réalité se confondent.
À travers ce prisme, le rappeur dépeint une génération écartelée entre la
désillusion et une rage sourde, celle d’avoir vu trop de rêves fauchés en plein
vol.
Avec « TRISTEVILLE », Zeuta nous plonge dans une sorte de ville imaginaire où
la mélancolie est reine et où chaque coin de rue semble refléter un monde en
déclin. Le titre, à la fois simple et évocateur, semble décrire une réalité urbaine
où l’espoir est une denrée rare et où le quotidien est une longue suite de
déceptions. L’ironie qui parcourt le morceau suggère que, même dans
Tristeville, on peut trouver des raisons de sourire, pas pour échapper à la
réalité, mais plutôt pour en rire, même si ce rire a un goût amer.
Un héritier du désenchantement
Avec « Les oiseaux de malheur », Zeuta sinscrit dans la lignée de ces artistes
qui transforment le pessimisme en art. Comme si la noirceur du monde
devenait un carburant créatif inépuisable. Avec un ton à la fois désabusé et
sarcastique et là où dautres sombrent dans le cynisme, il réussit à faire éclore
une sorte d’espoir bancal, celui d’un oiseau qui continue de battre des ailes
malgré tout.
Un projet court mais marquant
Composé de quatre morceaux seulement, l’EP aurait pu sembler anecdotique. Mais
Zeuta parvient à condenser son univers en une poignée de minutes, sans
jamais perdre le fil. Chaque titre est un chapitre d’une histoire plus grande, celle
d’une lutte entre l’absurde et la poésie, entre le rire et les larmes.
Alors, « Oiseaux de malheur » ? Avec un tel artiste, ce sont surtout des phœnix
en devenir. Reste à voir jusqu’où ils voleront.